Dictée du 42e Forum du livre de Saint-Louis

Malade comme une bête ?

Pourquoi le naja arbore-t-il sur sa coiffe des lunettes – comme qui dirait une monture en écaille ? Pour* que ce reptile venimeux là voie mieux cette espèce de pipeau, avec lequel le charme le fakir ? Et pourquoi les ailes de certains papillons, telles les vanesses, sont-elles pourvues d’ocelles, souvent fort colorés ? Auraient-ils des choses à se dire… entre quat’z’yeux* ? Le paon fait-il la roue pour que sa compagne tourne de l’oeil ? À bien y regarder, peu de bêtes possèdent une vision aussi affûtée* que les rapaces, comme le gerfaut, le busard ou le balbuzard. Par exemple, l’once tachetée ou son cousin glabre le sphynx n’ont pas forcément un oeil de lynx… Quant à la myopie de la taupe, elle se remarque à vue de nez !

[Fin pour les juniors.]

Mais, heureusement, on ne rencontre aucun animal aussi fragile ni aussi chochotte que nous autres, délicates gens élevés dans la ouate et le tissu molletonné. A-t-on jamais constaté qu’une girafe, quelle qu’elle fût, s’était rompu les cervicales en prenant ses jambes à son cou ? qu’un atèle, indéniable maître* ès brachiations, s’était brisé un membre en tombant du haut de son brésil ? Qui peut croire qu’une chouette hulotte, tout épuisée par ses ululements** lors de sa tournée des grands-ducs*, décide de ne plus jouer les oiseaux de nuit et se résout à se coucher comme les gallinacés marans dorénavant (ce qui serait drolatique) ? A-t-on jamais observé un râle des genêts présenter une respiration sibilante à l’heure de la becquée* ? Il ne manquerait plus que fussent atteints de problèmes biauraux deux bihoreaux !

[Fin pour les adultes amateurs.]

D’ailleurs, que deviendraient toutes ces pauvres bêtes si des troubles du comportement les accablaient ? Imaginez des hyènes incapables de chasser les springboks parce qu’elles piquent continûment* des fous rires ; des mehara* en burn-out, refusant de rouler leur bosse ; un singe laineux s’arrachant compulsivement les poils – à un cheveu près, de la trichotillomanie – au point de se retrouver pour ainsi dire à oilpé ; un lama sujet au ptyalisme parce qu’il ne supporte pas d’être le portrait craché d’un alpaga ; des psittacidés répétant à l’envi qu’ils souffrent de palilalie ; un léopard qui, hypnotisé par deux oeils-de-chat, déclenche un néphélion. Et ne parlons pas des dingos, des tarets, des fous de Bassan et des requins-marteaux* : ceux-là, il faudrait les mener tout droit à l’asile !

[Fin pour les adultes confirmés.]

Texte révisé par Daniel Malot et Paul Levart, spécialistes de la langue française

* Variantes (orthographe rectifiée en italique) : pour, quat’z’yeux, affutée, maitre, grands ducs, béquée, continument, méhara, requins marteaux.

** La liaison sera faite : ses z’ululements.

Les ouvrages de référence sont : pour l’orthographe et la prononciation, Le Petit Robert (en ligne) 2025 et Le Petit Larousse illustré 2025 ; pour la grammaire, le Dictionnaire des difficultés de la langue française par Adolphe V. Thomas (Larousse).

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